Organigramme grand groupe avec multiples business units coordonnées par stratégie ABM centralisée et comptes stratégiques partagés

ABM dans les grands groupes multi-BU : orchestrer la complexité organisationnelle

September 24, 202512 min read

La gestion de l'Account-Based Marketing dans un grand groupe composé de multiples business units représente l'un des défis organisationnels les plus complexes du marketing B2B moderne. Alors qu'une PME ou une ETI peut déployer l'ABM avec une équipe unifiée et des processus simples, les grands groupes doivent naviguer entre autonomie des BU et cohérence globale, entre spécialisation sectorielle et synergies transverses, entre agilité locale et gouvernance corporate. Cette complexité, loin d'être un frein, peut devenir un formidable levier de croissance lorsqu'elle est correctement orchestrée.

Les grands groupes disposent d'atouts uniques pour l'ABM : des ressources conséquentes, une présence multi-marchés, une offre diversifiée permettant de répondre à de multiples besoins clients. Pourtant, ces mêmes atouts peuvent devenir des handicaps lorsque les business units opèrent en silos, se cannibalisent commercialement ou délivrent des expériences clients incohérentes. L'enjeu consiste donc à transformer cette diversité organisationnelle en force de frappe coordonnée, capable d'adresser les comptes stratégiques avec une approche unifiée tout en respectant les spécificités de chaque BU.

La complexité spécifique des grands groupes multi-BU

Les grands groupes multi-BU présentent des caractéristiques organisationnelles qui compliquent singulièrement le déploiement de l'ABM. Chaque business unit fonctionne souvent comme une entreprise quasi-autonome, avec sa propre stratégie, ses équipes commerciales et marketing, ses systèmes d'information, sa culture. Cette autonomie, généralement fruit d'acquisitions successives ou de spécialisations sectorielles, crée une mosaïque organisationnelle difficile à harmoniser.

La première complexité réside dans la multiplicité des points de contact avec un même compte client. Un grand compte peut être simultanément client de trois ou quatre BU différentes, chacune ignorant potentiellement les relations entretenues par les autres. Cette fragmentation génère des inefficiences évidentes : sollicitations commerciales désordonnées, messages contradictoires, opportunités de cross-sell manquées, expérience client dégradée. Les études montrent que 67% des grands comptes souhaiteraient une approche plus coordonnée de leurs fournisseurs multi-BU, mais seulement 23% estiment la recevoir effectivement.

La deuxième complexité touche à la gouvernance et au pilotage. Qui possède la relation avec le compte stratégique lorsque plusieurs BU sont impliquées ? Comment répartir les investissements ABM entre les différentes entités ? Selon quels critères allouer les revenus générés par une approche collaborative ? Ces questions, apparemment techniques, cristallisent des enjeux de pouvoir et de reconnaissance qui peuvent paralyser les initiatives ABM les plus prometteuses. Les grands groupes découvrent souvent que les obstacles organisationnels et politiques surpassent largement les défis techniques ou méthodologiques.

La troisième complexité concerne l'hétérogénéité des maturités et des priorités. Certaines BU peuvent être très avancées dans leur pratique de l'ABM tandis que d'autres en ignorent jusqu'au concept. Des BU orientées grands comptes coexistent avec d'autres focalisées sur le volume et la transaction. Cette disparité rend difficile l'établissement d'une approche commune sans niveler par le bas ou imposer des standards inadaptés. Pour Propuls'Lead, qui accompagne occasionnellement de grands groupes dans leur transformation, cette hétérogénéité constitue souvent le premier obstacle à surmonter.

Établir une gouvernance ABM adaptée à l'organisation multi-BU

La mise en place d'une gouvernance efficace constitue le prérequis indispensable au succès de l'ABM dans un environnement multi-BU. Cette gouvernance doit concilier deux impératifs apparemment contradictoires : maintenir l'autonomie et la réactivité des BU tout en assurant la cohérence et les synergies au niveau groupe. Les modèles de gouvernance qui fonctionnent s'inspirent généralement d'une approche fédérale, avec des principes communs et une exécution décentralisée.

Le comité de pilotage ABM groupe joue un rôle central dans cette architecture. Composé de représentants de chaque BU significative, du marketing corporate, des ventes globales et de la direction générale, ce comité définit la vision, les principes directeurs et les comptes stratégiques groupe. Il ne s'agit pas d'une instance opérationnelle mais d'un organe stratégique qui se réunit trimestriellement pour arbitrer les priorités, allouer les ressources et résoudre les conflits. La légitimité de ce comité repose sur son sponsorship au plus haut niveau et sur sa capacité à créer de la valeur pour toutes les parties prenantes plutôt qu'à imposer des contraintes supplémentaires.

Les Global Account Managers (GAM) incarnent la coordination opérationnelle sur les comptes les plus stratégiques. Ces rôles transverses, rattachés au niveau corporate ou à la BU dominante sur le compte, orchestrent l'approche multi-BU. Leur mission ne consiste pas à se substituer aux équipes commerciales des BU mais à faciliter la collaboration, partager les informations, identifier les synergies, et assurer la cohérence de l'expérience client. Le succès des GAM repose sur leur légitimité technique, leur connaissance approfondie du compte, et leur capacité à naviguer dans la complexité politique interne.

Les mécanismes d'incitation et de reconnaissance doivent être soigneusement calibrés pour encourager la collaboration sans déresponsabiliser les BU. Les modèles performants combinent objectifs individuels par BU et objectifs collectifs sur les comptes stratégiques groupe. Les revenus générés par des approches collaboratives sont répartis selon des clés prédéfinies, valorisant tant l'origine de l'opportunité que la contribution à la livraison. Ces mécanismes, parfois complexes, sont essentiels pour surmonter les réflexes de protection territoriale naturels dans les grandes organisations.

Identifier et prioriser les comptes stratégiques cross-BU

La sélection des comptes stratégiques dans un environnement multi-BU nécessite une approche sophistiquée qui transcende les logiques individuelles de chaque entité. Ces comptes, généralement au nombre de 50 à 200 selon la taille du groupe, représentent les opportunités où la valeur combinée des différentes BU surpasse significativement la somme des approches isolées.

Le processus de sélection commence par une consolidation des données dispersées dans les différentes BU. Cette phase, techniquement complexe du fait de l'hétérogénéité des systèmes et des référentiels, révèle souvent des surprises : comptes majeurs sous-exploités, doublons non identifiés, potentiels de cross-sell évidents mais non adressés. Les grands groupes découvrent fréquemment que leur part de wallet chez leurs plus grands clients est significativement inférieure à ce qu'ils imaginaient, ouvrant des perspectives de croissance organique considérables.

Les critères de sélection intègrent naturellement le potentiel de revenus combinés, mais vont bien au-delà. La complémentarité des offres des différentes BU, la maturité de la relation existante, la position concurrentielle, l'alignement stratégique avec les priorités du groupe entrent dans l'équation. Un système de scoring sophistiqué, développé collaborativement par les BU, permet d'objectiver les décisions tout en laissant place au jugement stratégique. Les comptes sélectionnés sont ensuite catégorisés en fonction de leur priorité et du niveau d'investissement justifié.

La qualification approfondie des comptes cross-BU révèle la complexité des organisations clientes modernes. Un grand compte peut présenter des structures décisionnelles différentes selon les divisions, des cycles budgétaires décalés, des cultures d'achat hétérogènes. Cette complexité miroir nécessite une cartographie détaillée des stakeholders, de leurs interactions, de leurs influences respectives. Les BU doivent partager leurs connaissances parcellaires pour construire une vision à 360 degrés du compte, exercice qui requiert confiance et transparence.

Créer des synergies tout en respectant les spécificités de chaque BU

L'art de l'ABM multi-BU consiste à identifier et exploiter les synergies sans gommer les spécificités qui font la valeur de chaque entité. Cette recherche d'équilibre s'applique à tous les aspects de l'approche ABM : stratégie d'engagement, création de contenus, orchestration des campagnes, gestion de la relation client.

Les synergies les plus évidentes concernent le partage d'informations et d'insights sur les comptes. Une BU peut avoir identifié un projet de transformation digitale qui créera des opportunités pour deux autres BU. Une autre peut avoir établi une relation de confiance avec un décideur influent sur l'ensemble des achats du groupe. Ces informations, lorsqu'elles circulent efficacement, multiplient les chances de succès de chaque BU. Les grands groupes performants établissent des plateformes de knowledge management dédiées aux comptes stratégiques, alimentées et consultées par toutes les BU concernées.

La mutualisation de certains investissements marketing génère des économies d'échelle substantielles. Les études sectorielles, les événements clients, les contenus thought leadership peuvent être financés collectivement et bénéficier à toutes les BU. Un événement executive organisé par une BU devient une opportunité pour les autres d'engager leurs contacts. Les campagnes publicitaires ABM peuvent promouvoir la marque groupe tout en mettant en avant les expertises spécifiques de chaque BU. Cette mutualisation permet aux BU individuelles d'accéder à des moyens qu'elles ne pourraient justifier seules.

Néanmoins, la standardisation excessive constitue un piège à éviter absolument. Chaque BU possède ses spécificités légitimes : expertise technique pointue, processus de vente adaptés à son marché, culture relationnelle propre. L'approche ABM doit respecter ces particularités tout en assurant une cohérence d'ensemble. Les messages corporate fournissent le cadre narratif global, mais chaque BU les décline selon ses codes et ses audiences. Les processus commerciaux s'harmonisent sur les grands principes mais conservent leurs spécificités opérationnelles.

Orchestrer les campagnes et les interactions multi-BU

L'orchestration des interactions avec les comptes stratégiques multi-BU requiert une coordination sophistiquée pour éviter la cacophonie tout en maintenant la richesse des échanges. Cette orchestration s'apparente à la direction d'un orchestre symphonique où chaque instrument (BU) joue sa partition tout en contribuant à l'harmonie d'ensemble.

Le calendrier d'engagement constitue l'outil de base de cette orchestration. Partagé entre toutes les BU impliquées sur un compte, il visualise l'ensemble des interactions planifiées : réunions commerciales, événements, campagnes marketing, livraisons projet. Cette vision consolidée permet d'identifier les opportunités de synergie (regrouper deux réunions en une seule visite), d'éviter les conflits (deux événements la même semaine), et d'assurer une présence continue sans sur-sollicitation. Les grands groupes les plus matures utilisent des outils de campaign orchestration sophistiqués qui automatisent cette coordination.

La personnalisation des messages nécessite un équilibre subtil entre cohérence corporate et pertinence BU. Le compte doit percevoir qu'il interagit avec une entreprise unifiée tout en recevant des messages adaptés à ses différents besoins. Les templates de communication établissent les éléments invariants (charte graphique, proposition de valeur groupe, éléments de preuve transverses) tout en laissant des espaces de personnalisation pour chaque BU. Cette approche modulaire permet de maintenir l'efficacité opérationnelle sans sacrifier la pertinence.

Les moments de vérité multi-BU, comme les Executive Business Reviews ou les réponses aux appels d'offres complexes, mobilisent l'ensemble des parties prenantes. Ces événements sont soigneusement préparés avec des rôles définis pour chaque BU, des messages alignés, des supports coordonnés. La présentation face au client démontre la capacité du groupe à fonctionner comme un partenaire intégré plutôt qu'une collection de fournisseurs. Ces moments cristallisent la valeur de l'approche ABM multi-BU et justifient les efforts de coordination consentis.

Mesurer la performance et l'attribution dans un contexte multi-BU

La mesure de performance dans un environnement ABM multi-BU présente des défis méthodologiques et politiques considérables. Comment attribuer le mérite d'un succès lorsque trois BU ont contribué ? Comment évaluer la performance individuelle tout en valorisant la collaboration ? Ces questions dépassent la simple technique pour toucher aux mécanismes fondamentaux de motivation et de reconnaissance dans l'organisation.

L'établissement de KPIs multi-niveaux permet de capturer la complexité de la performance ABM. Au niveau groupe, des métriques agrégées mesurent l'impact global : croissance sur les comptes stratégiques, part de wallet, Net Promoter Score, efficacité commerciale globale. Au niveau BU, des indicateurs spécifiques évaluent la contribution de chaque entité : revenus générés, opportunités créées, taux de conversion. Au niveau compte, des métriques granulaires suivent la progression : engagement multi-stakeholder, vélocité pipeline, expansion de l'empreinte.

Les modèles d'attribution multi-touch deviennent indispensables pour répartir équitablement les mérites. Ces modèles, souvent complexes, tentent de valoriser chaque interaction dans le parcours client : qui a initié la relation, qui a identifié l'opportunité, qui a convaincu le décideur final, qui délivre la valeur. Les grands groupes développent généralement des modèles propriétaires adaptés à leur contexte, évoluant avec l'expérience et les retours terrain. La transparence sur ces règles d'attribution est essentielle pour maintenir la confiance entre BU.

La consolidation et le reporting nécessitent des investissements significatifs en systèmes et processus. Les données dispersées dans les CRM de chaque BU doivent être agrégées, réconciliées, analysées. Les tableaux de bord multi-BU visualisent la performance sous différents angles, permettant à chaque partie prenante de comprendre sa contribution et les opportunités d'amélioration. Les grands groupes les plus avancés établissent des centres d'excellence analytics dédiés à l'ABM, mutualisant les compétences rares en data science et visualization.

Les facteurs clés de succès et les pièges à éviter

Le déploiement réussi de l'ABM dans un environnement multi-BU repose sur plusieurs facteurs critiques souvent sous-estimés dans la phase de planification. Le sponsorship exécutif au plus haut niveau constitue une condition sine qua non. Sans l'engagement visible et continu du CEO ou du directeur commercial groupe, les forces centrifuges naturelles reprennent rapidement le dessus. Ce sponsorship doit se traduire par des actes concrets : participation aux comités de pilotage, arbitrages en faveur de la collaboration, valorisation publique des succès collectifs.

La progressivité de l'approche augmente significativement les chances de succès. Commencer par un pilote sur 5 à 10 comptes avec 2 ou 3 BU volontaires permet de démontrer la valeur, d'affiner les processus, de construire la confiance. Les quick wins générés créent un appel d'air pour les BU initialement sceptiques. L'extension progressive, compte par compte et BU par BU, évite le syndrome du big bang qui échoue souvent dans les grandes organisations complexes.

Les pièges classiques méritent une vigilance particulière. La sur-gouvernance paralyse l'exécution sous prétexte de coordination. Les grands groupes doivent résister à la tentation de créer des usines à gaz processuelles qui découragent les bonnes volontés. La sous-estimation des enjeux culturels conduit à négliger l'accompagnement du changement, pourtant déterminant dans la transformation des comportements. L'absence de mécanismes d'incitation adaptés maintient les logiques de silos malgré les discours collaboratifs.

Conclusion : transformer la complexité en avantage concurrentiel

La gestion de l'ABM dans un grand groupe multi-BU représente indéniablement un défi organisationnel majeur. La complexité inhérente à ces structures, loin d'être un obstacle insurmontable, peut devenir un formidable avantage concurrentiel lorsqu'elle est correctement orchestrée. Les grands groupes qui réussissent cette transformation se dotent d'une capacité unique à adresser leurs comptes stratégiques avec une puissance de feu coordonnée qu'aucun concurrent mono-BU ne peut égaler.

Pour Propuls'Lead, bien que notre cœur de cible reste les PME et ETI de Marseille et de la région PACA, l'observation des meilleures pratiques des grands groupes enrichit notre compréhension de l'ABM. Les leçons apprises - importance de la gouvernance, valeur de la coordination, nécessité de respecter les spécificités - s'appliquent à toutes les échelles, adaptées au contexte de chaque organisation. Les ETI en croissance qui anticipent leur future complexité organisationnelle peuvent d'ailleurs s'inspirer de ces modèles pour construire dès aujourd'hui les fondations de leur ABM de demain.

L'avenir appartient aux grands groupes capables de combiner l'agilité de structures décentralisées avec la puissance de l'action coordonnée. Dans un monde B2B où les clients attendent des solutions intégrées et des partenaires stratégiques plutôt que des fournisseurs fragmentés, maîtriser l'ABM multi-BU devient un impératif de survie autant qu'un levier de croissance. La route est complexe mais la destination justifie pleinement l'investissement.

HTML/ CSS/JAVASCRIPT Personnalisée
HTML/ CSS/JAVASCRIPT Personnalisée
Back to Blog